Martin Pierre est journaliste. Détenteur de la carte de presse, il est en phase de transition. À 37 ans, passé entre autre par France Inter et La Montagne il se lance dans l’éducation aux médias et à l’information.
Il y a 13 mois, Martin Pierre lançait avec Rémy Monteilhet un podcast sur les médias “Du Biscuit”, lauréat d’un appel à projets du ministère de la culture. Dès le début, le podcast montre bien les problèmes : « Je déteste les journalistes. » dit une personnalité dès le générique. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le premier objectif n’est pas de faire aimer les médias mais plutôt de faire passer les auditeurs « derrière le miroir de la profession, afin qu’ils comprennent mieux, notamment les manières de faire du journalisme ».
Dans les 30 épisodes réalisés, Martin et son compère proposent des interviews des proches des médias – sociologue, journaliste – tels que Jean-Marie Charon ou Marc Epstein.
Le journaliste a aussi créé un jeu de société auquel même les écoliers peuvent jouer. « 36 heures à la rédac » leur est d’ailleurs destiné afin qu’ils prennent collectivement le rôle de journaliste dans une enquête. Confrontés à la disparition d’un enfant, tel l’affaire Grégory, les joueurs doivent choisir les actions qui leur prennent un certain temps. Cet outil pour l’éducation aux médias peut permettre aux plus jeunes de comprendre que le journaliste raconte et n’est pas policier. Celui-ci doit respecter une déontologie et l’objectif de ce jeu pédagogique permettra aux joueurs de mieux « juger les médias parce qu’ils comprendront mieux ». Peut-être que ces jeunes joueurs se lanceront dans le métier plus tard…
Tandis qu’un journaliste de 37 ans change de métier
Martin Pierre est en train de changer de métier. Les raisons sont simples pour lui : « en étant mon propre patron, je gagne mieux ma vie en faisant de l’éducation aux médias et à l’information qu’en rendant des piges en étant journaliste. » Pourtant, Martin se lance dans un métier qui vient de naître et qui est « en train de se structurer ». Après avoir obtenu un Master en journalisme à Strasbourg, il a passé le diplôme INSPÉ des enseignants à l’université de Lyon en 2014-2015 afin de valider ses compétences.
Aujourd’hui, Martin remarque qu’il y a près de 35 000 journalistes en France. La plupart à sont à temps plein et « ne veulent pas éduquer les jeunes » déplore-t-il.
Lui souhaite sensibiliser les jeunes publics aux médias. Cette année, selon La Croix, 66 % des moins de 35 ans s’informeraient d’abord par Internet et parmi ceux-ci, 20 % privilégieraient les réseaux sociaux.
Martin Pierre veut, par l’éducation aux médias, leur montrer que nous sommes dans une société d’images où l’information a pris une part très importante dans la manière de voir le monde. Selon le journaliste clermontois, les citoyens, jeunes comme seniors, ont nécessairement besoin d’affûter leur esprit critique face à cela.
Une demande de professionnalisation suite aux attentats de Charlie Hebdo
La mort de Samuel Paty représente une attaque contre la liberté d’expression et pose une question essentielle pour Martin : « comment sensibiliser les plus jeunes, mais aussi les adultes et les seniors ? » Il pense qu’il faut être pédagogue pour expliquer les droits et libertés de caricaturer et blasphémer. Les terroristes qui attaquent la liberté d’expression sont très peu nombreux, fort heureusement. Mais beaucoup de manipulateurs d’informations décrédibilisent l’information et les journalistes sur les réseaux sociaux « que confondent les jeunes avec les médias » explique Marc Epstein, journaliste et président de La Chance. Martin Pierre comprend son compère : « Sur les réseaux sociaux, l’information disponible dans les articles est noyée dans le reste. »
Selon Martin Pierre, les journalistes ne sont pas les seuls qui éduquent aux médias. Le journaliste n’est qu’un intervenant, qui s’ajoute aux peu d’heures que les professeurs documentalistes ont à accorder aux élèves. L’éducateur aux médias déplore que les journalistes « ne prennent que trop peu ce rôle et s’isolent dans des grands groupes, que ce soit en Île-de-France dans les médias nationaux ou en province ». Il considère aussi que les acteurs de cette éducation peuvent venir du cinéma mais aussi du monde de la publicité, souvent liés aux médias.
Seule la semaine de la presse est très bien ancrée dans le paysage scolaire : en 2020, plus de 1800 partenaires médias ont été comptés. Malheureusement, les attentats de 2015 ont permis d’augmenter le nombre d’actions et l’argent consacré à cette semaine : « il n’y en a jamais eu autant ! » assure Martin. Si cette semaine permet d’entraîner un certain nombre d’actions, Martin veut plutôt qu’il y ait « de l’éducation aux médias toute l’année », et que la semaine de la presse propose encore plus de choses. Certains journalistes retraités des clubs de la presse répondent d’ailleurs à Martin qu’ils ne comptent faire plus d’interventions en dehors de la semaine de la presse.
Grâce aux ateliers d’éducation aux médias et à l’information, Martin Pierre cherche à redonner confiance aux français envers les médias, dont les salariés sont parfois attaqués par des manifestants.
Ewen Gavet